Cécile RILHAC
Assassinat d'Yvan COLONNA : la commission d'enquête rend son rapport
Le 28 novembre 2022, une commission d'enquête parlementaire chargée de faire la lumière sur les dysfonctionnements au sein de l’administration pénitentiaire et de l’appareil judiciaire ayant conduit à l’assassinat d’un détenu le 2 mars 2022 à la maison centrale d’Arles a été créée. Madame Cécile RILHAC a été nommée membre de cette commission d’enquête, qui a présenté son rapport d'enquête le 24 mai.

Créée à la suite de l’agression mortelle d’Yvan COLONNA par l’un de ses codétenus, Franck ELONG ABÉ, le 2 mars 2022 à la maison centrale d’Arles, cette commission d’enquête a été présidée par Monsieur le Député Jean-Félix ACQUAVIVA et son rapporter a été Monsieur le Député Laurent MARCANGELI.
Tout au long de ses travaux, la commission d'enquête se sont notamment attaché à mettre en lumière les enjeux liés à la détection de la radicalisation en milieu carcéral et les défaillances qui se sont manifestées dans la prise en charge de l’auteur des faits. Les travaux ont également porté sur le statut de détenu particulièrement signalé appliqué à Yvan COLONNA et Franck ELONG ABÉ ainsi que sur les conditions de leur surveillance à la maison centrale d’Arles. De plus, la commission d’enquête a également analysé la mise en œuvre des recommandations de l’inspection de fonctionnement conduite par l’Inspection générale de la justice au sein de cet établissement.
Afin de tirer les leçons de l’agression mortelle du 2 mars 2022, le rapport formule vingt-neuf recommandations qui visent à encadrer le statut de détenu particulièrement signalé (DPS), à renforcer la stratégie de lutte contre la radicalisation en détention et à accroître la vigilance envers les détenus aux profils sensibles.
Les 29 recommandations du rapport d'enquête
Recommandation n°1 : Permettre le rapprochement familial des détenus corses en parachevant les travaux de sécurisation du centre pénitentiaire de Borgo et en le dotant, si besoin, d’un quartier maison centrale.
Recommandation n°2 : Définir au niveau législatif le statut de DPS en fixant les critères d’inscription et de maintien à ce répertoire.
Recommandation n°3 : Déterminer clairement les modalités de mise en œuvre de la procédure, au niveau local comme au niveau national.
Recommandation n°4 : Fixer dans la loi le principe selon lequel le statut de DPS n’a pas vocation, a priori, à revêtir un caractère définitif et consacrer explicitement le fait que celui-ci doit faire l’objet d’un réexamen régulier fondé sur des critères objectifs.
Recommandation n°5 : Renforcer l’exigence de motivation des décisions d’inscription et de maintien d’une personne détenue au répertoire des DPS.
Recommandation n°6 : Subordonner les décisions d’inscription et de maintien au répertoire des DPS à une meilleure prise en compte de la dangerosité pénitentiaire réelle de la personne détenue.
Recommandation n°7 : Fixer de manière expresse à un an la durée de validité de la décision d’inscription ou de maintien au répertoire des DPS et imposer le réexamen de la situation avant l’expiration de cette période
Recommandation n°8 : Introduire dans la loi la possibilité pour les personnes détenues de saisir le juge des référés dans le cadre de la procédure prévue à l’article L. 521-2 du code justice administrative pour contester leur inscription ou leur maintien au répertoire des DPS.
Recommandation n°9 : Clarifier, dans le code pénitentiaire, les modalités d’intervention de l’autorité judiciaire dans la procédure d’orientation en QER en définissant un cadre juridique spécifique et respectueux des prérogatives de chacun des intervenants.
Recommandation n°10 : Rendre obligatoire l’évaluation ou la réévaluation d’un détenu condamné pour terrorisme islamiste (TIS) avant son intégration en détention ordinaire.
Recommandation n°11 : Renommer les quartiers d’évaluation de la radicalisation (QER) en quartiers d’évaluation de la radicalisation et de la dangerosité (QERD), et renforcer, en leur sein, l’évaluation du risque de passage à l’acte violent afin de mieux le prévenir.
Recommandation n°12 : Définir des critères objectifs, notamment en ce qui concerne le comportement, pour permettre le classement d’un détenu au travail.
Recommandation n°13 : Prévoir de manière expresse que, dès lors qu’un détenu candidat au classement provoque un incident ou adopte un comportement répréhensible, la possibilité de candidater à un tel classement est suspendue pendant une période donnée, en fonction de la gravité des faits.
Recommandation n°14 : Prévoir la possibilité de déclasser à tout moment un détenu lorsqu’il ne satisfait plus aux critères qui ont fondé son classement au travail, y compris pour des motifs étrangers à l’exercice direct de l’activité réalisée à ce titre.
Recommandation n°15 : Proscrire le classement des détenus présentant un risque de passage à l’acte violent aux missions du service général impliquant une autonomie de déplacement. À défaut, assortir l’autonomie de déplacement de garanties suffisantes en termes de surveillance, y compris a posteriori, par exemple en étudiant la possibilité de doter ces détenus d’une caméra piéton pour l’exercice de leurs tâches.
Recommandation n°16 : Édicter une nouvelle doctrine d’emploi pour la vidéosurveillance dans les prisons et envisager la possibilité de recourir à la surveillance vidéo intelligente pour appuyer les personnels de surveillance dans leurs tâches et mieux lutter contre les violences.
Recommandation n°17 : Clarifier et formaliser l’organisation des échanges entre le délégué local ou le correspondant local au renseignement pénitentiaire et le chef de l’établissement pénitentiaire.
Recommandation n°18 : Faire du renseignement pénitentiaire un réel outil d’anticipation, de détection et de prévention du risque de passage à l’acte violent.
Recommandation n°19 : Prévoir la présence d’un médecin psychiatre de liaison dans les groupes d’évaluation départementaux de la radicalisation violente (GED) afin de permettre une évaluation plus fine de la dangerosité réelle de l’individu dont la situation est examinée.
Recommandation n°20 : Intégrer un représentant de la direction interrégionale des services pénitentiaires dans les GED concernés afin de mieux prendre en compte la gestion de la détention dans l’évaluation de la dangerosité de l’individu, et inversement.
Recommandation n°21 : Instaurer une procédure obligatoire et spéciale de signalement des changements de comportement chez les détenus radicalisés ou dangereux et garantir son traitement de manière rapide et pluridisciplinaire.
Recommandation n°22 : Faire de la préparation de la fin de peine une composante à part entière de la stratégie de lutte contre la radicalisation et définir une doctrine globale reposant sur l’obligation ou, à défaut, la généralisation de l’évaluation de la radicalisation et de la dangerosité avant et éventuellement après la sortie de prison.
Recommandation n°23 : Renommer les quartiers de prise en charge de la radicalisation (QPR) en quartiers de prise en charge de la radicalisation et de la dangerosité (QPRD), et accroître, en leur sein, la prise en charge des détenus présentant un risque de passage à l’acte violent.
Recommandation n°24 : Faire de l’affectation en QPRD une véritable transition entre l’isolement et la détention ordinaire lorsque cela s’avère opportun dans le parcours carcéral du détenu.
Recommandation n°25 : Veiller à la stricte application de la proposition n° 51 du plan pluriannuel de lutte contre les violences commises en milieu pénitentiaire.
Recommandation n°26 : Élaborer un plan pluriannuel pour la santé mentale des personnes détenues fondé sur un état des lieux précis de la situation.
Recommandation n°27 : Prévoir, dans le cadre de l’élaboration du plan pluriannuel, une actualisation des besoins en matière de prise en charge des troubles psychiatriques et, sur ce fondement, achever le programme de construction des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA).
Recommandation n°28 : Définir les modalités concrètes permettant aux surveillants pénitentiaires de contribuer de manière effective aux propositions de prise en charge adaptée des détenus par son travail de surveillance.
Recommandation n°29 : Augmenter les effectifs des juges de l’application des peines, notamment antiterroristes, afin, entre autres, de renforcer leur présence en détention.
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