Dans la nuit de jeudi à vendredi, les députés ont adopté, en première lecture, la proposition de loi n°1175 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels.
Alors que la désertification médicale progresse sur l’ensemble du territoire, dans les grandes agglomérations comme dans les territoires ruraux, cette proposition de loi vise à trouver des solutions concrètes aux difficultés rencontrées par notre système de santé, avec comme pierre angulaire une meilleure organisation territoriale des soins, afin d’améliorer l’accès aux soins et de répondre aux inégalités territoriales de santé. Le texte propose, notamment, le renforcement de la permanences des soins le soir et le week-end, de nouvelles incitations pour les jeunes médecins à travailler dans des zones de raréfaction médicale ou encore la consolidation de la coopération terroriale entre les acteurs de la santé. La lutte contre les déserts médicaux est l’une des priorités de Cécile RILHAC pour notre territoire.
Ce texte fait du territoire de santé, déjà défini dans le code de la santé publique, l’échelon de référence de l’organisation locale de la politique de santé. Le Conseil territorial de santé (CTS), qui en est l’organe de gouvernance, devra définir notamment les « objectifs prioritaires en matière d’accès aux soins, de permanence des soins et d’équilibre territorial de l’offre de soins ». La délimitation des territoires de santé pourra être modifiée au sein des CTS par les acteurs du territoire eux-mêmes, en lien avec l’agence régionale de santé (ARS), « afin d’assurer un équilibre et une solidarité entre les territoires en matière d’accès aux soins ».
Aujourd’hui, la déclinaison dans les territoires des politiques de santé (« territoires de démocratie sanitaire ») est illisible et manque d’efficience. Il existe 12 échelons territoriaux en lien avec la santé entre le cabinet du médecin et la région.
Pour cartographier la répartition de l’offre de soins, les députés ont créé un indicateur territorial de l’offre de soins (ITOS). Cet indicateur, par bassin de vie, sera mis à jour tous les deux ans.
Dans le but d’inciter les soignants à travailler entre eux, les professionnels de santé exerçant en ville seront rattachés par défaut aux « communautés professionnelles territoriales de santé » (CPTS). Ils pourront toutefois s’en retirer à tout moment. Aujourd’hui, les médecins qui veulent faire partie d’une CPTS doivent s’y inscrire.
Tous les professionnels médicaux et paramédicaux se voient interdire l’intérim en début de carrière dans les hôpitaux, les EHPAD et les laboratoires de biologie. Cette interdiction, déjà votée à l’occasion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, avait été censurée par le Conseil Constitutionnel. Les députés ont étendu cette interdiction aux professions de la protection de l’enfance et de l’accompagnement socio-éducatif. Les étudiants en santé pourront toutefois continuer à exercer en tant qu’intérimaire. Pour lutter contre le nomadisme médical, les aides financières et les exonérations fiscales à l’installation seront limitées à une fois tous les dix ans. Un amendement a posé l’obligation pour les médecins, sages-femmes et dentistes souhaitant cesser définitivement leur activité de prévenir au minimum six mois avant l’ARS et leur conseil de l’ordre.
Face à la pénurie de médecins, le texte facilite l’exercice des médecins étrangers, appelés Praticiens Diplômées hors de l’Union européenne (PADHUE). Elle prévoit de nouvelles autorisations d’exercice provisoire et instaure une carte de séjour pluriannuelle « talent-professions médicales et de la pharmacie ». De plus, le bénéfice du contrat d’engagement de service public (CESP) est étendu aux étudiants en médecine, odontologie, maïeutique et pharmacie dès la fin de la deuxième année du premier cycle d’études en santé. Ce contrat consiste dans une allocation mensuelle de 1 200 euros brut en contrepartie d’un engagement à exercer deux ans minimum sur un territoire.
Les députés ont ajouté de nouvelles dispositions : possibilité de mettre des fonctionnaires territoriaux à la disposition des maisons de santé et des cabinets libéraux dans les déserts médicaux, création d’une fonction d’infirmier référent chargé du suivi paramédical des patients et de coordination des soins ; recul à 75 ans de la limite d’âge du cumul-emploi retraite pour les professionnels de santé travaillant dans un hôpital public ou un centre de santé. En outre, la majoration du ticket modérateur appliquée aux patients perdant leur médecin traitant du fait d’un départ à la retraite ou d’un déménagement a été supprimée. Cette majoration par l’Assurance maladie envers les patients dépourvus de médecin traitant « est une véritable double peine pour ceux qui rencontrent d’importantes difficultés pour se faire soigner ».
Le texte traite enfin de la permanence des soins. Il vise à rendre effective la participation de tous les hôpitaux et cliniques privées, à la permanence des soins hospitalière, en particulier la nuit, les weekend et jour fériés. Il prévoit notamment la possibilité, pour le directeur général de l’ARS, d’appeler ces établissements et leurs patriciens à assurer ou à contribuer à la permanence des soins en établissement. Pour le gouvernement, il s’agit pour les établissements et structures de pouvoir répondre aux besoins, non seulement en pouvant être amenés à assurer seuls des lignes de garde et astreintes mais aussi de manière mutualisée afin d’encourager les coopérations, que ce soit entre plusieurs opérateurs (en mettant en place une ligne de garde assurée par chacun une semaine sur deux en alternance par exemple) ou au niveau des groupements hospitaliers de territoires (GHT). Si nécessaire, les professionnels pourront aussi venir renforcer les lignes de gardes d’autres établissements de santé lorsque cela s’avère nécessaire. Ce renforcement se fera sur la base du volontariat. Sur le fondement de ces nouvelles dispositions, le gouvernement prévoit une remise à plat du dispositif courant 2024 par les agences régionales de santé.
Un amendement transpartisan a, par ailleurs, rétabli l’obligation de permanence des soins pour l’ensemble des soignants. Pour les auteurs de cet amendement, « depuis la suppression de cette obligation, il est observé une dégradation de l’accès aux soins. Le principe du volontariat n’est en effet pas suffisant pour répondre à la demande de soins exprimée par la population sur le territoire. Le Conseil national de l’Ordre des médecins parle même de « désengagement des médecins libéraux ». Ainsi, seuls 38,1% des médecins ont participé à la permanence des soins ambulatoires en 2019, ce chiffre baissant au fil des ans. Ce constat est particulièrement criant dans les déserts médicaux.
Le Sénat doit désormais examiner cette proposition de loi.